Le développement commercial fait souvent grimacer. Le mot lui-même suscite parfois méfiance, tant il évoque la vente forcée ou l’image dévalorisante d’un avocat “vendeur de services”.

Mais développer son cabinet ne signifie pas se travestir. Cela ne signifie pas non plus “chasser” le client à tout prix.

Cela signifie, d’abord, poser les fondations d’une relation de confiance, respectueuse et durable avec ses clients actuels. Car dans la majorité des cabinets, les meilleures opportunités se trouvent déjà chez les clients que vous servez.

J’ai exercé 15 ans en tant que Chief Financial Officer au sein de filiales du groupe RELX (propriétaire notamment de LexisNexis) en France, en Belgique puis en Australie. J’avais notamment sous ma responsabilité les questions juridiques, j’ai piloté des fusions-acquisitions, des restructurations et géré de nombreux appels d’offres d’avocats. Cette double casquette de donneur d’ordres et de client d’avocats m’a appris une chose essentielle : votre meilleure publicité, c’est un client satisfait.

 

  1. Être excellent, ce n’est pas (que) livrer un bon dossier

La qualité juridique est un prérequis. Mais dans un environnement incertain et concurrentiel, ce n’est pas cela qui vous distingue vraiment. Ce qui marque vos clients, c’est l’expérience qu’ils vivent avec vous.

Cela commence dès le premier échange. La clarté de vos engagements. La manière dont vous posez vos délais, vos honoraires, votre façon de travailler. Cela continue tout au long de la mission par une communication fluide, adaptée, transparente.

Puis cela se termine, idéalement, par un moment fort : un retour sur la mission, un appel pour recueillir leur feedback, un échange en présentiel si possible. La dernière impression compte. C’est souvent elle qui décide de la suite.

 

  1. Être présent dans la durée, même quand il n’y a pas de dossier

Ce que vos clients attendent, ce n’est pas que vous soyez disponible 24h/24. C’est que vous soyez là au bon moment, de la bonne manière, pour les bonnes raisons.

Cela peut passer par :

  • un appel pour prendre des nouvelles à la rentrée,
  • une visite annuelle sur leur site (y compris à l’autre bout de la France),
  • un message de félicitations pour une nomination ou une levée de fonds,
  • une newsletter bien ciblée qui parle vraiment de ce qui les concerne.

Un client, c’est une relation. Pas une transaction. Entretenir ce lien ne prend pas toujours beaucoup de temps. Mais cela demande de la régularité, une vraie écoute, une attention sincère à leur réalité. C’est cela qui nourrit la confiance – et la fidélité.

 

  1. Oser poser des questions… et écouter pour de vrai

L’erreur la plus fréquente des avocats ? Penser qu’ils savent ce que veut leur client.

Ce qui compte, c’est moins le problème juridique… que le sens qu’il prend dans la vie ou l’entreprise du client. Derrière une procédure, il y a un enjeu de réputation. Derrière un contrat, un projet de croissance. Derrière un conflit, parfois une fatigue ou une lassitude que vous pouvez aider à dépasser.

Voici quelques questions simples, mais pertinentes :

  • Qu’est-ce qui est vraiment important pour vous dans ce dossier ?
  • Qu’attendez-vous de moi au-delà de la solution juridique ?
  • Comment souhaitez-vous que nous travaillions ensemble ?
  • Quels sont vos objectifs prioritaires cette année ?

Posez-les. Écoutez les réponses. Reformulez-les. Créez un espace d’échange vrai, pas un monologue d’expert. Ce sont ces moments-là qui posent les bases d’une relation durable.

  1. Créer de la valeur, pas seulement livrer du droit

Dans les cabinets que j’accompagne, je parle souvent de “proximité stratégique”.

Cela signifie être capable d’aider votre client au-delà de la demande initiale, parce que vous avez pris le temps de comprendre son modèle économique, ses concurrents, ses enjeux RH, sa pression réglementaire ou sa situation personnelle.

C’est cela qui vous rend indispensable.

Dans les grandes entreprises, les meilleurs avocats externes sont ceux qui “pensent business” avec leurs clients. Dans les TPE ou les PME, ce sont ceux qui “pensent humain”, qui savent trouver les mots pour rassurer, prévenir, accompagner dans la durée.

Cela demande du temps. Mais ce temps est le plus rentable que vous puissiez investir.

 

  1. Et si vos clients actuels étaient votre meilleur levier de développement ?

Le marketing vous fatigue. Le networking vous pèse. Les réseaux sociaux vous laissent sceptique.

C’est compréhensible.

Alors, faites ce qui vous ressemble : développez votre activité à partir de vos clients existants.

  • Explorez avec eux d’autres besoins ou d’autres sujets.
  • Proposez-leur de rencontrer vos associés ou partenaires sur d’autres domaines.
  • Demandez-leur s’ils connaissent des contacts à qui vous pourriez être utile.
  • Intéressez-vous sincèrement à leur métier, leur marché, leurs équipes.

C’est par cette attention que naissent les recommandations spontanées.

Et c’est cela, le vrai développement commercial : un bouche-à-oreille nourri par une relation de confiance.

 

  1. Servir mieux… et faire de votre client un ambassadeur

Je le dis souvent : votre client est votre plus grand atout.

Et pour le fidéliser, il faut aller au-delà de l’attendu :

  • être ponctuel et régulier dans la facturation,
  • faire preuve de clarté dans les explications,
  • reconnaître quand vous vous êtes trompé et corriger rapidement,
  • célébrer ses réussites personnelles ou professionnelles,
  • faire ce que vous avez dit. Toujours.

En Australie, où j’ai vécu quatre ans, le service client est un art. En France, il est encore trop souvent relégué. Pourtant, c’est la première raison pour laquelle on continue à travailler avec un professionnel.

C’est pourquoi, dans mon propre métier, je suis obsédé par la satisfaction client. Parce que la fidélité ne se décrète pas. Elle se construit. Elle se mérite. Elle s’entretient.

 

Pour conclure, le développement commercial n’est pas une posture. C’est une présence.

Ce 4ème  levier de développement n’a rien d’artificiel.

Il ne s’agit pas de vendre, de se transformer en VRP ou d’ajouter des couches de marketing. Il s’agit d’être au bon endroit : au service de votre client, dans le respect de votre identité et de vos valeurs.

Et si vous posiez, dès cette semaine, un rendez-vous annuel dans votre agenda pour aller visiter vos meilleurs clients ?

Et si vous appeliez simplement un client pour prendre de ses nouvelles, sans objectif commercial immédiat ?

C’est dans ces gestes-là que se bâtit la réputation des cabinets solides, humains, et performants.

Le prochain article de cette série portera sur le marketing du cabinet : comment structurer une présence crédible et cohérente, affirmer votre identité professionnelle et faire rayonner votre expertise dans les bons cercles, sans y passer vos soirées.